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on fait comment ? - publié le 16 mars 2016

mercredi 16 mars 2016, par dvial

on fait comment ?

Finalement je garde le ’je’ (voir là). Puisque la vie que ce ’je’ vit semble répondre à ce que ce même ’je’ pense, je déroule la pelote, je m’explique.

On aurait pu croire à un mot doux. Une enveloppe carrée sur laquelle figure mon nom écrit à la main m’attend à la mairie. Bien vite, l’espoir naïf se dissipe quand les premiers caractères imprimés apparaissent, tous enfermés dans des cases bien calibrées : signature géométrique de l’administration. Il s’agit donc d’une invitation à me présenter au plus tôt à la gendarmerie locale pour une affaire me concernant.

La seule affaire me concernant concerne mon permis de conduire qu’une décision administrative peur me suspendre à tout moment à cause d’yeux trop cernés. (voir là) Je crois que ce moment approche.

L’après-midi même je sonne au portail d’acier qui protège celles et ceux qui nous protègent – ou enferment celles et ceux qui nous enferment – et c’est une jeune recrue qui m’ouvre. Effectivement il ne lui faut pas longtemps pour me demander si j’ai mon permis sur moi. Pour ne pas avoir à mentir je l’ai laissé sur une étagère chez moi et suis venu à vélo. Cela ne semble pas trop le contrarier : c’est une petite affaire ; après avis hiérarchique positif il consent à ce que je revienne le mardi suivant remettre le document. Le temps de m’organiser. Car voilà, mon véhicule est aussi une maison. Et il le sait, ainsi sans doute que sa hiérarchie.

Permis de conduire suspendu : voilà qui ne facilitera pas mon cheminement vers la réinsertion, ou résurrection sociale qu’attendent de moi les membres de la CST réunis en concile le 10 mars dernier. L’affaire cette fois-ci concerne le revenu minimum qui m’est alloué en contre-partie des démarches de réinsertion que je suis sensé entreprendre. Or, et c’est là que les idées de ce ’je’ timide qui hésite à se lancer sont rattrapées par la vie qui galope, cela ne me dit plus rien d’entreprendre de me réinsérer. #onvautmieuxqueça peut-être bien, en effet.

Et puis d’abord s’insérer dans quoi ? A quel jeu de dupes ce ’je’ devrait-il participer ? Quel rôle sur mesure dois-je adopter pour mériter d’être inséré dans cette mauvaise pièce, ce drame permanent ? Si le jeu a des règles, des objectifs, des projets : qui les pose ? Les impose ?

Comment on fait quand on a compris que notre chouette progrès occidental est un fruit pourri de pillages et de massacres ? Comment on fait quand on a compris que notre société est un décor de tragédie, notre mode de vie une insulte à la Terre et à la Vie ? Quelles perspectives y a-t-il à s’insérer dans un système mortifère, écocide et délirant ?

Cette affaire là est philosophique. Et la question peut se poser en d’autres termes : puisqu’il s’avère que nous formons ensemble une large communauté humaine sur la planète terre, quel est notre projet ? Quel est le projet de l’humanité ? Si vous n’en avez aucune idée, d’autres humain-e-s avant nous y ont réfléchit. Le projet industrieux de transformer de façon rationnelle tout ce qui est naturel et la nature elle-même en produits de consommation est un projet qui peut sembler délirant c’est vrai ; pourtant il est déjà bien engagé vu qu’aujourd’hui on s’inquiète de la disparition d’une multitude d’espèces vivantes et de certaines de ces ressources naturelles.

Mais qu’importe ! Ayez foi ! Nos problèmes sont surmontables puisqu’à présent s’ouvre à nous le monde bio-techno-numérique … Notre projet d’humain-e-s est-il donc de piller la nature jusqu’à la faire disparaître pour construire à la place un décor artificiel sous contrôle dans lequel nous serons trans-humanisé-es en techno-numérique ?

Et si on ne souhaite pas servir ce projet fou qu’aucun-e d’entre nous n’a décidé ? Si on sent comme un malaise, un goût amer ? Comment on fait ?

Bien sûr j’exagère me dit-on ! Tu peux avoir d’autres projets et changer le monde en … je ne sais pas moi : faire du pain au lait d’ânesse ou des poteries bio ou faire pousser des carottes … en plus en collectif c’est mieux, t’es dans une communauté qui donne du sens à ton existence ! Tu peux aussi soigner les gens avec le yoga quantique ou les constellations dynamiques –

Certes ! Le pas de côté, le chemin de traverse, les TAZ, les îlots, les oasis, bolo’bolo ou les communes dans lesquelles chacun-e fait sa part… Je n’ai pas assez lu Gilles et Félix pour chercher à m’intégrer ici, pas assez de patience pour tenter de m’intégrer là. Tout cela je l’explore depuis 1998. (voir là) Et il me semble aujourd’hui que ces tentatives sont absolument nécessaires mais pas suffisantes. Nécessaires pour plein de bonnes raisons et insuffisantes car le système intègre et perverti bien plus vite les alternatives que celles ci ne l’assainissent.

Alors ? On fait comment ?